La famille Fontaine au Doyard. Debout de g. à dr.: Joseph, Fifine Fontaine-Raboz( la maman) et Victor
Accroupis: Clément (le papa), Jacques, Georges Deresteau, Paul et Adrien
Victor Fontaine est décédé ce 21 février.
Victor était un passionné : il s'est passionné longtemps pour son club de football de Vinalmont, il a été un acharné de la chanterie de coq, il ne manquait une partie de cartes avec ses copains pour rien au monde et c'est aussi avec enthousiasme qu'il jouait à la pétanque. Mais ce qui était le plus important pour Victor, c'était de rencontrer des gens, c'était la « troisième mi temps » au cours de laquelle il refaisait le match pendant 1 heure puis pendant laquelle il refaisait le monde avec ses copains pendant bien plus longtemps, le temps d'un ou deux paquets de cigarettes et même d'un bon cigare.
Le monde, Victor en connaissait tous les bonheurs et tous les malheurs.
Sa naissance déjà, le 10 avril 1939, c'est un fameux bonheur pour sa maman Joséphine Raboz et pour son papa Clément. Une période malheureuse aussi 1939, un moment où on commence à parler de la guerre qui s'annonce.
Victor est le petit dernier de la grande famille Fontaine : il vient de naître et son grand frère Roger va vite être prisonnier au début du conflit. Joseph, un autre frère bien plus âgé, va être recherché par les Allemands pendant cette maudite guerre et doit se cacher dans tout le village. Ses autres frères ce sont Adrien le « footballiste », Pol, « Polka » le communiste altruiste et enfin Jacques le cycliste qui n'est qu'un an plus vieux que Victor. Victor n'a qu'une soeur, Jeanne, un peu une deuxième maman.
Le petit dernier est gâté mais sûrement pas "pourri gâté". C'est la guerre donc, la famille est grande et la ferme est petite.
Mais Victor est heureux, lui qui est né à l'orée de la forêt, un Walibi avant l'heure avec la source miraculeuse du bois de la reine. Victor vit avec les animaux : les animaux domestiques et ceux des bois.
Il suit ses frères dans leurs découvertes de la nature.
Le lait de mouton...un délice chaque jour...Victor, sa soeur Jeanne et le cousin Walter
L'eau alimentaire n 'est pas distribuée dans le fond du vallon et Victor va chercher l'eau à la source avec son petit harquet, ses deux seaux sur les épaules. Avec Jacques, il est chargé de nourrir les lapins ou d'aller promener le cochon le long du Doyard.
Totor, comme on surnomme affectueusement le petit Victor, rejoint aussi Paul et Joseph, ses grands frères, à la tenderie ou les accompagne pour dénicher les oiseaux.
Il retrouve au bois Freddy Gilsoul, Georges Renson et Popol Polet: ils y fabriquent des lance pierre, des arbalètes, des flèches avec des branches de noisetiers ; ils recherchent des grenouilles et construisent des cabanes.La chef de bande, c'est une fille, Ginette Debar, la future belle-soeur de Victor.
A l'école, Totor est le copain privilégié du protégé du village, le petit Nono, le nain Ernest Parvais : ils sont la terreur du curé et de maître d'école, le pourtant très strict M. Siquet.
De haut en bas :Monsieur Siquet, Louis Joachim, Pierre Dethier, Victor Fontaine, Pierrot Sottiaux, André Bertholet, Roger Berlencourt, Robert Guillaume, Philippe Tettelin,Georges Biava, Fernand Morhet, Paul Polet, Marcel Pirard, Jean Lecocq, Camille Lambrechts, Ernest Parvais dit Nono
En toile de fond, la buse du poêle, la bibliothèque et les bottines qui sèchent
Victor grandit. Il accompagne bien vite son papa Clément qui, avec sa légendaire sacoche en cuir et sa liasse de tickets dûment numérotés, s'occupe des entrées au terrain de football de la rue Charles Frère (qui se situe alors en face de l'actuelle salle Delbrouck).
Victor sera donc footballeur mais pas n'importe lequel : il fera partie comme Andé Polet de la première équipe de jeunes de Vinalmont en 1953 et comme son copain André, il ne changera jamais de club. Par contre, il jouera parfois 3 matches par week-end : l'un le samedi avec les vétérans, un second le dimanche matin avec l'équipe « réserve », un troisième, le dimanche après-midi avec l'équipe fanion. Force de la nature, il joue au centre-avant ; c'est un forward au tir meurtrier, au coup de tête dévastateur ; il n' a pas peur des contacts fusse avec les défenseurs les plus rugueux.
Et il cumule aussi plusieurs fonctions : joueur, dirigeant, homme à tout faire. Il sera l'une des chevilles ouvrières de la création d'une nouvelle aire de jeu, un terrain avec éclairage - une première pour l'époque - en face du cimetière.
Victor voulait garder une structure locale et jouer entre copains dans la bonne humeur.
Saison 69-70. Le Vinalmont Football Club. De g. à dr. et de haut en bas : Joseph Lamborelle, Victor Fontaine, Albert Warnotte, André Dethier, Jean-Pierrre Donnay, Paul Gonne, Camille Lambrechts
Georges Mommen, Jules Kirsch, Philippe Destinez, Baudouin Warnotte
Président du club fin des années 60, Victor organise en 1969 un jumelage sportif avec Mareuil près d'Epernay ; les Vinalmontois sont accueillis avec du champagne ; mais pareil à lui-même, Victor remercie les Français en sortant illico de son grand sac des chocolats bien belges et des cigarettes « vinalmontoises ».
Avec l'appui du Vicomte Alain de Jonghe, l'équipe de foot de Vinalmont est accueillie à Mareuil-le-Port. On reconnaît de g. à dr. : Georges Renson, Albert Warnotte, René Boulanger, Alain de Jonghe, Henri Riga, Paul Van Hoecke, Albert Beguin et Noël Debar. Victor prend la photo...
Victor constitue même une équipe de dames pour jouer un match le lundi de la fête. Les équipes féminines sont strictement interdites à l'époque et les dames jouent contre les..vétérans. La recette à la buvette est assurée et Gaby,qui épaule toujours son mari Victor dans ses organisations – tombolas, repas, excursions - est enchantée. Par contre moins enchantés sont les membres du comité sportif qui ont eu vent de l'organisation d'un match pour dames dans ce petit club de Vinalmont. Bibi, comme l'appellent les footballeurs, doit sortir de leur boîte ses meilleurs cigares pour infléchir quelque peu la décision du comité provincial de l'Union Belge qui voulait infliger au club une amende plus que salée.
Entretemps, Victor travaille à Prayon et donc, il s'est marié avec Gaby, Gaby Debar. Ils habitent rue Mottart Laloi. Ils ont bien vite eu trois enfants, les deux grandes, Christine et Pascale et bientôt le petit Pierre. Et plus tard, viendront les petits-enfants, la prunelle de ses yeux pour Victor.
Quand je suis allé voir Victor pour préparer le livre sur l'après guerre à Vinalmont et que je lui ai demandé pour voir quelques « vieilles » photos, il m'a montré tout de suite...les nouvelles photos de...ses petits-enfants : Jérôme, Jordan, Julie, Julia, Johan. Et comme il voyait que j'hésitais : « Beh, marque tous les noms hein, non di dju, tu les mettras dans ton prochain livre.. »... Victor est parfois un rien grincheux. Mais cela ne dure pas.
Et de me parler avec sa gouaillerie habituelle, avec force gestes, avec ses yeux qui pétillaient, de la progression de « ses » bons petits diables qui étaient déjà devenus trop grands.
Toujours attiré par les animaux,Victor sera aussi un adepte de la chanterie de coq chez l'Quique à Vinalmont.
Le club de football de Vinalmont fusionne en 1980. Bibi a 41 ans. Il est temps de prendre sa retraite footballistique. Il n'a pas attendu cette « retraite » sportive pour jouer des parties de cartes épiques et mémorables avec ses copains de toujours Georges Renson, Henri Riga, Noël Debar.
Mais bientôt, grand chamboulement ; il quitte sa petite maison du dessus des Doyards (un peu plus bas que chez Liliane Pirard) pour rejoindre un coquet appartement au Val de Méhaigne à Wanze : « Regarde, me disait-il, c'est moi qui suis le mieux mis ; je vois la rivière, les oiseaux... et je ne suis pas loin des terrains de pétanque ». Car il est devenu accroc de jeu de boules, pour le jeu bien sûr mais surtout pour l'ambiance, l'amateurisme qu'il ne retrouve plus dans le football d'aujourd'hui.
Mais, même bien installé à Wanze, son Doyard, il y tient quand même. Il est invité par ses anciens voisins à la fête de quartier et il y vient mais pour organiser....un tournoi de pétanque... en toute convivialité.
Cela, c'est Victor.
La fête du quartier Doyards, Vallées, Vandervelde 2013